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Antipollution : pourquoi Renault se retrouve dans la tourmente ?

Le constructeur s’est expliqué mardi sur le niveau élevé des rejets de polluants de cinq de ses modèles. S’il respecte les normes d’homologation, ses systèmes de dépollution sont peu ou pas efficaces en conduite sur route.

L’explication de texte était attendue. Mis sur le grill médiatique depuis près d’une semaine, Renault s’est longuement expliqué mardi, devant quelques journalistes, pour répondre aux interrogations liées au niveau élevé de ses émissions de polluants. Exercice serré, alors que l’annonce, par la CGT du groupe, de perquisitions de la répression des fraudes (DGCCRF) sur trois de ses sites avait fait lourdement chuter le cours de Bourse du constructeur jeudi dernier. Et qu’il a été longuement auditionné, lundi, par la commission Royal, chargée de vérifier que les constructeurs ne manipulent pas les tests d’homologation de voitures. Quatre questions pour comprendre la crise que traverse le constructeur.

  1. Quel est le problème ?

capturDepuis octobre, la commission Royal, composée d’associations de consommateurs, d’écologistes, de spécialistes de l’automobile et de politiques, a fait tester par l’UTAC, l’organisme français de référence, cinq modèles Renault. Trois Captur de norme Euro 6 (90 et 110 chevaux), un Espace Euro 5, et un Espace de nouvelle génération Euro 6. Des véhicules jeunes, au faible kilométrage (de 3500 à 17.400 km pour les Captur), mais qui affichent pourtant, en test sur circuit, des résultats plusieurs fois supérieurs aux normes européennes.

Le constructeur a confirmé lundi l’existence d’une erreur de calibrage du système de dépollution « Nox Trap » d’un lot de Captur 110 chevaux. Ce défaut technique avait pour effet de ne pas éliminer les oxydes d’azote (les NOx) et le souffre du moteur. Corrigé début septembre, avant l’affaire Volkswagen, le problème a fait l’objet d’un rappel de 15.800 véhicules. « Ce point est réglé, il est derrière nous », juge Thierry Bolloré, le patron de la compétitivité du groupe.

Mais Renault est surtout pointé du doigt pour les tests sur circuits, qui font apparaître des niveaux d’émission de Nox jusqu’à plus de dix fois plus élevé pour le nouvel Espace. En cause : les limites du système de dépollution EGR de Renault, moins efficace en deçà d’une température d’admission dans le moteur de 17 degrés. L’équipement se trouve également limité à plus de 35 degrés, du fait de phénomènes thermodynamiques (condensation…). De quoi en faire bondir certains. « Renault est en train de nous dire tranquillement que son système de dépollution marche peu ou pas dans une majorité des situations sur la route, par exemple en automne ou hiver, ou en pleine canicule. Alors que l’on nous disait que l’Euro 6 était le nec plus ultra. C’est une farce… », s’insurge un membre de la commission.

  1. Renault a-t-il triché comme Volkswagen ?

espace_vNon seulement Renault « n’a pas triché », mais il « respecte les normes », martèle Thierry Bolloré. De fait, le groupe n’a pas été pris en défaut sur les tests d’homologation en laboratoire (NEDC). La température y est comprise entre 20 et 30 degrés, et les vannes EGR fonctionnent alors normalement. Quant au test « en conditions réelles », sur circuit, sur lequel Renault a été mis en difficulté, il n’a pour l’heure pas de valeur légale. Ce n’est au mieux qu’à partir de 2017 qu’un nouveau test, plus réaliste, sera mis en place en Europe. « On ne peut pas nous demander de respecter des tests qui n’existent pas », juge un ingénieur du groupe. Le groupe indique en outre qu’aucun constructeur inspecté par la commission n’a respecté les niveaux d’émission théoriques en condition sur route.

Reste que Renault affiche des niveaux d’émission bien plus médiocres que la concurrence, du fait d’un système de dépollution (une association EGR et Nox Trap) trop peu performant. Moins coûteux, ce système, inauguré lors de la norme Euro 5 en 2011, se révèle trop juste pour la norme Euro 6b, entrée en application en 2015 – même si elle permet de passer les tests en laboratoire.

  1. Quel plan d’action ?

En dehors du problème spécifique du Captur, Renault promet la présentation, devant la commission, d’un plan d’action pour le 30 mars. « Nous sommes les premiers à dire que nous pouvons nous améliorer », poursuit Thierry Bolloré, qui évoque une certaine « prudence » des équipes d’ingénierie. La mesure visera à élargir les plages d’utilisation de l’EGR, et devrait concerner aussi bien les véhicules neufs que ceux déjà en circulation, via une action possible de rappel, même s’il est trop tôt pour évoquer des volumes potentiels. La manœuvre pourrait débuter en juillet 2016.

Le groupe a en outre lancé un programme de 50 millions d’euros et entend introduire de nouveaux choix technologiques (SCR couplé avec le Nox Trap) d’ici 2017-2020. « Renault nous dit d’un côté qu’il ne peut pas pousser son système de dépollution à fond sous peine de mettre en danger le moteur. Mais, de l’autre, il explique qu’il est possible de remettre à niveau la vanne EGR. Bizarre », juge un autre membre de la commission. De son côté, Renault indique que depuis Euro 5, ses équipes ont fait des progrès technologiques qui permettent de remédier au problème.

  1. Quel impact sur le groupe ?

La commission doit encore tester 20 modèles Renault (et Dacia), ce qui ne devrait pas manquer de faire apparaître d’importants décalages. Pour le promoteur de la voiture électrique, l’épisode risque d’être bien fâcheux en termes d’image, même s’il continue à marteler qu’il est en règle. Autre point, l’impact sur les partenaires Nissan et Daimler, à qui Renault fournit de nombreux moteurs diesel qui ont le mérite d’être performants et peu coûteux. Enfin, reste l’inconnue de l’enquête en cours de la DGCCRF. Que cherche exactement l’organisme public ? « Incompréhensible », juge Thierry Bolloré.

Le constructeur peut toutefois se rassurer : son cours de Bourse n’a pas sombré, mardi, et a même progressé de plus de 3 %. Mais sans effacer pour autant la chute subie depuis jeudi dernier.

L’État, à la fois actionnaire et arbitre.

Drôle de position pour l’État français. Premier actionnaire de Renault avec 19,7 % du capital, c’est lui qui a indirectement mis Renault sur le grill en mettant en place la commission Royal. « La confiance n’exclut pas le contrôle »,a jugé mardi Emmanuel Macron, le ministre de l’Économie, aux questions à l’Assemblée. « Il faut continuer d’acheter des voitures Renault », a lancé de son côté Ségolène Royal, la ministre du Développement durable. Les deux ministres ont déjà soutenu que Renault n’avait pas triché. L’enjeu est aussi capitalistique. Malgré la remontée du cours mardi, le titre Renault s’échange à 76,6 euros, bien loin des 93 euros de fin décembre. L’État, qui cherche à revendre ses 4,7 % de capital acquis au printemps dernier, reste encore coincé un moment…

Source: Les Echos.

Voir aussi l’article de Que Choisir : www.quechoisir.org/actualite-normes-antipollution-renault-eclabousse-n9993/